Construire son budget en contexte d'incertitudes

Pour un grand nombre d’entreprises, le mois d’octobre marque l’entrée dans la période budgétaire. Établissement des projections d’activité, réflexions sur la structure de coûts de l’entreprise, mesure des besoins de trésorerie, … La conception du budget permet aux dirigeants de se questionner également sur leur stratégie à court et moyen terme. Cet exercice clé dans la vie d’une entreprise voit sa complexité augmenter dans un contexte économique incertain. Or, les évolutions économiques, sociétales et politiques observées en 2022 – et celles projetées pour 2023 – amènent les entreprises à faire face à de nombreuses incertitudes.

Les experts de DigiDAF se sont donc mobilisés pour mettre à votre disposition leur analyse des points majeurs d’incertitude à anticiper lors de la construction de votre prochain budget. Nous vous indiquerons également les outils pour vous permettre de prendre en compte ces facteurs dans vos prévisions.

1/ La perte de volume d’affaires

Lorsqu’une entreprise est en croissance, il est d’usage de penser que la croissance va perdurer ou, dans le pire des cas, ralentir. La perte de chiffre d’affaires est rarement anticipée par les dirigeants qui, de manière naturelle, souhaitent voir leur entreprise grandir. Néanmoins, dans le contexte actuel, nous avons déjà pu observer certains secteurs touchés par des trous d’air dans leur activité. Le covid et le confinement ont par exemple eu de fortes répercussions sur les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration ou des salles de cinéma.

Pour 2023, nous avons identifié 3 grands risques pouvant impacter plusieurs secteurs :

  • La baisse du pouvoir d’achat diminuant la part du portefeuille des ménages allouée à votre marché :

Nous avons constaté ces derniers mois une forte hausse du coût de la vie et, par voie de conséquence, une baisse du pouvoir d’achat des ménages. L’OFCE souligne d’ailleurs que le pouvoir d’achat a subi sur le premier semestre 2022 sa plus forte baisse depuis 40 ans. Ainsi, si vous avez une activité fortement B2C, et qu’elle ne fait pas partie des dépenses contraintes des ménages (logement, transport, alimentation, assurances, …), votre activité pourrait être impactée par une baisse de la consommation sur votre secteur. Ce qui se traduirait par une baisse de votre volume d’affaires, à part de marché constante.

  • Une crise géopolitique générant la fermeture d’un ou plusieurs marchés géographiques.

L’exemple le plus flagrant est bien entendu la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Celle-ci a amené des grandes enseignes de la distribution à fermer leurs enseignes dans ces pays. D’autres boycotts et embargos ont pu survenir dans les dernières décennies privant des entreprises de l’exploitation de leur activité sur un ou plusieurs marchés. Ainsi, les tensions observées dans plusieurs zones géographiques (Chine, Iran, Pakistan, …) doivent vous alerter dans le cas où votre empreinte géographique concerne ces marchés.

  • L’inflation pouvant entraîner la perte d’une partie de votre clientèle et/ou un rétrécissement de votre marché, comme nous le détaillons dans le paragraphe suivant.

2/ L’inflation sur les matières premières et les coûts fixes

En parallèle des réflexions sur votre chiffre d’affaires, la prise en compte de l’inflation en tant que variable de votre prévisionnel doit s’effectuer à trois niveaux :

  • Anticiper le prix futur de vos matières premières
  • Revaloriser les salaires de vos employés
  • Mesurer votre point mort après prise en compte de l’inflation sur l’ensemble de vos charges d’exploitation

En effet, après avoir appliqué un taux d’inflation à chaque type de coûts de votre structure vous pourrez déterminer le volume de vente à réaliser pour réaliser vos ambitions de rentabilité. De plus, grâce à la fixation d’un objectif de taux de marge à réaliser, associée à l’inflation sur les coûts directs, vous serez en mesure d’analyser le besoin de hausse du prix de commercialisation de vos biens et services. Et avec un taux d’inflation s’élevant à 10,2% (1) à fin juillet 2022 et un taux prévu par le gouvernement de 4,2% en 2023, rares sont les entreprises qui ne devront pas (continuer à) répercuter l’inflation dans leur prix.

De plus, outre le maintien de la rentabilité de votre entreprise, vous devrez prendre en compte la nécessité de maintien des cash flows générés par l’activité permettant de rembourser vos dettes et/ou d’effectuer de nouveaux investissements.

Enfin, une hausse de votre prix peut amener à la perte d’une partie de votre clientèle, au-delà de ce que nous mentionnions plus haut. C’est alors votre business modèle qui peut être amené à être repensé.

3/ Les risques de rupture de chaîne d’approvisionnement

Nous l’avions observé précédemment lors de la crise Covid, et nous le voyons à nouveau avec la crise ukrainienne, les ruptures de chaîne d’approvisionnement peuvent paralyser une activité pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois.

Si votre approvisionnement dépend d’autres pays, en particulier s’ils sont géographiquement éloignés et/ou dans des zones à risques géopolitiques, vous devez alors prévoir dans la modélisation de votre budget et dans votre prévisionnel de trésorerie :

  • De potentiels arrêts de production ponctuels impactant votre niveau d’activité
  • Un surstockage en prévision d’un risque de rupture d’approvisionnant, impactant à la hausse votre BFR
  • Un changement de fournisseur, avec des prix potentiellement plus élevés
  • Voire des investissements vous permettant de réduire la dépendance géographique de votre entreprise

4/ Les aléas climatiques

Enfin, comme nous avons pu le voir durant l’été 2022, les phénomènes climatiques extrêmes sont de plus en plus nombreux. D’ailleurs l’European Environment Agency a publié une analyse sur l’évolution des 16 risques  majeurs liés au climat (2). Ainsi, aux secteurs de l’agriculture et des assurances qui souffrent traditionnellement des aléas climatiques viennent s’ajouter notamment le transport et le tourisme. La prise de conscience des consommateurs et les changements règlementaires entraînent aussi la nécessité de repenser son modèle économique, notamment si vous œuvrez dans les secteurs des biens de consommation ou du BTP…

Afin de pouvoir modéliser l’ensemble de ces aléas au sein de votre budget, nous vous conseillons d’avoir recours à trois outils clés :

  • La définition de différents scénarios : le principe des scenarios est de projeter la réalisation de plusieurs événements (une rupture de chaîne d’approvisionnement pendant 1 mois, le boycott d’un marché avec la perte de 20% du chiffre d’affaires, la revalorisation de toute la masse salariale…). Vous pouvez alors définir 2 ou 3 scénarios prenant en compte 1 ou plusieurs aléas. Vous saurez alors mesurer le risque maximum que votre entreprise encourt en termes de rentabilité et de besoin de trésorerie. Cela vous donnera également la possibilité de montrer à vos partenaires que vous vous préparez à plusieurs éventualités
  • L’utilisation de sensibilités : une fois les hypothèses définies dans vos différents scenarios, vous pouvez leur appliquer une sensibilité. C’est-à-dire, les faire varier. Par exemple : quel est l’impact d’une hausse de salaire de 6% au lieu de 4% ? Comment varie ma trésorerie si la rupture de la chaîne d’approvisionnement dure deux mois au lieu d’un ? Que se passe-t-il si mon chiffre d’affaires décroît de 20% et non de 10% ? Ainsi, les sensibilités montrent l’importance d’une hypothèse sur votre rentabilité et/ou votre besoin de trésorerie
  • Le provisionnement dans votre compte de résultat d’une enveloppe de charges permettant d’absorber une part des aléas : même si vous aurez approfondi chacune des variables de votre modèle et anticipé plusieurs scénarios, l’erreur demeure encore possible, surtout dans un contexte d’incertitude économique. Vous pouvez donc ajouter dans votre modèle une ligne de coûts cohérente avec votre structure de coûts (nous recommandons environ 5% du total).

Et bien sûr, n’oubliez pas de réaliser un prévisionnel de trésorerie relié à chacun des scénarios et sensibilités. Celui-ci vous permettra notamment d’identifier votre capacité à faire face à chacun des aléas et d’adapter votre gestion de la trésorerie en conséquence.

Les équipes de DigiDAF vous accompagnent dans la modélisation de vos budgets, dans la revue de vos hypothèses et la construction de prévisionnels de trésorerie. N’hésitez plus et contactez-nous via ce formulaire

Nos autres articles :

Sources : 
(1) OCDE – Indices des prix à la consommation – 06/06/22
(2) European Environment Agency – What will the future bring when it comes to climate hazards? – 23/11/21